Herge fils de Tintin - Benoit Peeters by Biographies
Auteur:Biographies [Biographies]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782080801739
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00
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Le signal de la quarantaine
« Il y a des jours où toute la fatigue qui devrait être le lot de Tintin sâabat sur moi1 », confia un jour Hergé à un interviewer. En ce printemps 1947, une fragilité, longtemps masquée par un travail incessant, remonte à la surface. Ce nâest pas que son humour, son goût de la vitesse, son appétit de réussite lâaient brusquement abandonné, câest que tout cela ne suffit plus à le combler. Hergé aspire à autre chose quâil ne parvient pas à nommer.
Voilà vingt ans quâil a la tête remplie des prochaines planches à livrer, des nouveaux gags à inventer, et des rebondissements qui permettront de tirer Tintin du mauvais pas où il lâa fourré. Vingt ans quâil a le visage penché sur sa table, douze heures par jour et souvent plus. Car câest laborieux la bande dessinée. Sans doute est-il peu de pratiques où lâart et lâartisanat se confondent à ce point. Il faut esquisser, crayonner, encrer, mettre en couleur. Prendre la pose pour la moindre attitude, passer des heures à rechercher un document, tracer des cadres, compter des mots pour quâils tiennent dans les phylactères, finir chaque planche sur un point dâinterrogation, faire tenir chaque album dans le cadre strict des soixante-deux pages. Et respecter une grammaire exigeante : celle de la lisibilité. Il y a, dans ces histoires si longuement peaufinées, comme un écho de la patience du miniaturiste. Mais il y a aussi, de la part dâHergé, de donner à ces récits toujours plus de vie, de densité, dâambition.
Tout cela le fatigue de plus en plus, surtout maintenant quâil nâa plus de véritable interlocuteur pour le relancer. Depuis le départ de Jacobs, Hergé se sent particulièrement seul. Il ne voit plus José De Launoit qui sâest installé en province depuis son mariage et qui, lui dit-on, serait devenu communiste. Il sâest brouillé avec Philippe Gérard pour des raisons un peu obscures : après une vive dispute sur la place Flagey, les deux hommes ne se sont jamais revus ; il semblerait que lâancien « Gargamac » ait fait fortune sous lâOccupation de manière assez douteuse : « Comme quoi Dieu récompense les justes ! », commente énigmatiquement Hergé dans une lettre à Paul Jamin. Dâautres sont en prison, comme De Becker, Poulet ou Jamin lui-même : Hergé les aide chaque fois quâil le peut, sans parvenir à se défaire dâun sentiment de culpabilité. Reste Marcel Dehaye, un autre rescapé du Soir « volé », qui depuis 1944 vient travailler tous les matins en tant que secrétaire. Il est fidèle et amical, mais parfois agaçant avec sa nostalgie de « Capelle-aux-Champs » ; et puis, il ne comprend pas grand-chose à la bande dessinée.
Juste après le départ de Jacobs, Hergé a engagé un jeune assistant, Guy Dessicy, quâil connaît depuis 1936 et avec lequel il sâentend très bien. Dessicy est parfait pour les travaux dâadaptation et de remise au format, mais il ne peut remplacer lâauteur de Blake et Mortimer ni sur le plan graphique ni sur le plan humain.
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